Le parfum, en France, est loin d’être une histoire récente. Le pays qui fait office de référence mondiale en la matière flirte, en effet, avec ce savoir-faire depuis le Moyen-âge. Le parfum passe ainsi du culte à la médecine avant d’être une arme de séduction de l’élite. Des centaines d’années plus tard et de nos jours, la France s’impose encore comme un acteur majeur de la parfumerie, avec des fragrances connues dans le monde entier.
Au Moyen-âge, une nécessité curative et religieuse
Si le parfum est connu depuis l’Antiquité, son introduction dans le monde occidental est attribuée aux Croisés. En contact avec une culture totalement différente, ils rapportent entre autres de nouvelles habitudes de toilette. On se badigeonne alors de substances odorantes.
Les techniques pour extraire et libérer l’essence des plantes et graines vont alors se développer. C’est ainsi, notamment, que l’eau de la Reine de Hongrie voit le jour, composée de romarin, d’extraits de citron, d’eau de rose et d’oranger. Toutefois, on n’y voyait là aucune coquetterie. En fait, les motivations étaient surtout d’ordre médicinal. On attribuait, en effet, à ce parfum de nombreuses vertus curatives.
À l’époque, dans le domaine médical, c’était la théorie des miasmes qui prévaudrait. Il était admis que les bonnes odeurs neutralisent les maladies et que les mauvaises peuvent les véhiculer. C’est d’ailleurs pourquoi, lors des épidémies de peste, les médecins portaient un mélange de plantes parfumées nichées au bout de leur masque d’oiseau.
L’influence de l’Église joue aussi son rôle dans l’histoire des fragrances. En effet, le parfum avait une certaine place durant les rites et on raconte même que le clergé voyait plutôt d’un mauvais œil l’usage cosmétique du parfum, jugé frivole.
De Catherine de Médicis à Louis XIV
L’essor de la parfumerie française ne commence vraiment à prendre racine qu’au XVIe siècle, avec deux évènements. D’abord, l’avènement de Catherine de Médicis dans les années 1533. La reine d’Henri II emporte dans ses bagages son grand parfumeur, Renato Bianco, qui porte en lui tout le talent des artisans italiens. Ce dernier finit bien vite par s’attirer la grâce de l’aristocratie française. D’autres maîtres parfumeurs transalpins suivent le mouvement et ouvrent boutique en France.
En parallèle, c’est à cette époque que Grasse devient la capitale du parfum grâce à son horticulture très développée. Toutefois, la raison est, dit-on, purement pratique : la ville est spécialisée dans le tannage du cuir. Or, cette activité a le don de dégager des odeurs pestilentielles, peu appréciées de la noblesse locale. Les arômes et senteurs agréables y ont alors la faveur des fortunés, soucieux de préserver leurs narines délicates.
Un peu plus tard, l’épopée du parfum gagne une autre figure de proue en la personne du Roi Soleil. Déjà, l’usage d’essences odorantes en tout genre était très commun à l’époque de son père Louis XV. Le bannissement de l’eau des usages de toilette oblige les courtisans à s’asperger de parfum en des quantités qu’on jugerait, aujourd’hui, indécentes.
Louis XIV aime tellement se parfumer qu’on l’appelle « le Roi le plus doux fleurant ». La cour de Versailles, elle, devient la « cour parfumée ». Bien sûr, la peur de la maladie, appariée aux mauvaises odeurs, y est sous-jacente. Très vite, les odeurs agréables sont associées à l’élite, à la richesse et au raffinement, tandis que le reste de la population se contente des miasmes de la crasse.
En même temps, le métier de parfumeur gagne en privilège, symbole de tradition et de savoir-faire bien français. L’industrie en profite, de Grasse à la Corporation des Gantiers Parfumeurs. Toutefois, la commercialisation massive du parfum ne commence que vers les années 1850 et certains changements importants de paradigmes. En effet, la chimie se développe, les innovations se multiplient et les pratiques d’hygiène évoluent.
Un grand tournant vers la fin du XIXe siècle
La conjoncture de cette fin de siècle permet à de nombreux talents d’émerger. Bourjois ou Guerlain, des noms incontournables aujourd’hui, en font partie. Paris est alors le centre névralgique d’une industrie du parfum florissante. La simple mention du « made in France » ou de « Paris » fait d’un flacon un gage de luxe, de raffinement et de savoir-faire. Le boom de la chimie exclut la barbarie de l’extraction des ingrédients tout en leur apportant plus de stabilité. Ce qui permet aussi de démocratiser le parfum auprès d’un plus large public.
L’élégance associée au parfum français croît en prestige lorsque les grands couturiers lancent à leur tour leur senteur. Si « La Vie est Belle » est le parfum le plus vendu au monde, c’est bien le N° 5 de Chanel qui assoit une nouvelle ère. La création d’Ernest Beaux, datée de 1921, incarne, depuis un siècle, le luxe à la française.
Aujourd’hui plus que jamais, le parfum français s’impose comme le signe ultime de prestige, grâce à un héritage fort et une tradition séculaire.